SUGAWARA OU UNE VIE D'AVENTURE

L'édition 2002 du Dakar est l'occasion de découvrir un homme d'exception dans une épreuve d'exception : Yoshimasa SUGAWARA. Il y fêtera sa vingtième participation l'année de son soixantième anniversaire. Si SUGAWARA SAN est un concurrent d'exception, c'est avant tout un homme. Malgré sa notoriété au Pays du Soleil Levant, il est resté simple et abordable. Aventurier depuis toujours, travailleur acharné, passionné par son métier, il aime avant tout la découverte, celle des innombrables pays qu'ils a visités au cours de ses nombreux voyages à travers le monde, celle des hommes et des femmes qu'il rencontre, celle des modes de vie qu'il observe et dont il s'inspire pour construire sa propre philosophie.
 
UNE FORTE MOTIVATION
Sa vie, il l'a débuté près d'Hokkaido le 31 mai 1941, près de la prison dont son grand-père était directeur. Tout petit déjà, ce fils unique s'amusait avec des jouets mécaniques. C'est tout naturellement qu'à 16 ans, il enfourchait sa première moto. Deux ans plus tard, l'envie de compétition commençait à se faire sentir. Elève complet, doué pour les études et sportif avéré, il se distingue de ses camarades en débutant une carrière dans les sports mécaniques. Tous les circuits japonais l'ont ensuite accueilli. Il s'est fait une spécialité des courses d'endurance (1000 km, 12h , ...) sur Mini Cooper S. Et puis, la lassitude des circuits et l'attrait de l'aventure le poussent à effectuer une traversée en Afrique, du nord au sud, en mini 4x4 SUZUKI avec deux motards.Il réalise là qu'une voiture est faite pour se déplacer d'un point à un autre et non à refaire sans cesse le même parcours sur un circuit fermé. En 1977, il organise un périple de 20000 km, à travers 17 pays, du Pakistan au Portugal avec quatre mini voitures de livraison HONDA.
 
UN ESPRIT GAGNANT
Il découvre le Dakar sur des magazines spécialisés. Tout de suite, il sait que ce sera l'épreuve de sa vie. Et pourtant, elle commence mal. Il s'engage en 1983 sur une moto HONDA, le pneu de rechange sur le dos. Il n'a pas de budget. L'obtention des visas est une véritable galère. Il ne connaît pas un mot de français. Alors, il inscrit en phonétique son numéro (le 36) sur le réservoir. Malgré cela, il n'entend pas l'appel. Il se croit persécuté par Thierry Sabine qui le contrôle plus que de raison. En fait, l'organisateur du Paris-Dakar s'inquiétait des conditions de vie de ce curieux concurrent japonais parti pour un enfer en deux roues à 41 ans (voir entretien ci-contre). Yoshimasa comprendra sa méprise plus tard et sera d'ailleurs l'un des deux seuls nippons à se rendre à ses obsèques. Si ses débuts dans le rallye ont été difficiles (il raconte comment les européens plus grands que lui passaient leurs passeports à la douane au-dessus de ses épaules ou comment il se faisait griller la politesse par les concurrents en voitures à la station service), il est fier aujourd'hui de servir de " balise " pour les autres concurrents, lui qui avait débuté en traçant sa route au compas. Yoshimasa SUGAWARA est le seul pilote à avoir participé à la mythique épreuve dans les trois disciplines : auto, moto, camion. Les rallyes-raids sont d'ailleurs devenus sa spécialité, lui valant deux fois la victoire dans sa catégorie au Rallye des Pharaons et 5 fois au Dakar. Après 36 années de compétition, un Paris-Pékin et de nombreuses autres épreuves, il totalise plus d'un demi-million de kilomètres dans 56 pays.
 
UNE AMBIANCE FAMILIALLE
L'homme, qui privilégie un travail d'équipe sur une débauche de moyens, sait s'entourer. Il couve dans son team, depuis 1988, la seule femme de l'épreuve en camion, sa compatriote Naoko Matsumoto, installée aujourd'hui en France. C'est elle qui lui a donné le surnom affectueux de " Tonton ". Il apprécie la sérénité de Naoko dans les situations difficiles (et elles sont nombreuses sur les rallyes-raids). Il juge les hommes psychologiquement plus fragiles que les femmes dans des situations extrêmes et il avoue lui-même être rassuré par Naoko quand il sent la panique l'envahir. Yoshimasa SUGAWARA aime s'entourer : de jolies femmes bien sûr, mais aussi de jeunes gens passionnés comme lui, de collaborateurs qu'il rencontre au hasard de ses voyages. JAPAN RACING, le team qu'il a fondé, aujourd'hui fort de six employés permanents, est une véritable auberge espagnole et beaucoup de préparateurs japonais y ont fait leur apprentissage. Aujourd'hui, on peut découvrir la vie du team en exil à Teloché, petit village de la Sarthe qu'il a choisi en 1993 pour être sa base arrière du Dakar (ce qui ne signifie pas pour autant qu'il maîtrise la langue de Molière. Si le travail est rigoureux dans l'ancien local de garagiste aménagé à la japonaise, les soirées sont beaucoup plus détendues. La bière coule à flot autour des mets japonais, dans un espace enfumé par les dizaines de cigarettes blondes grillées par le maître des lieux. Son fils, Teruhito, est au clavier de son ordinateur portable dernier cri. Sa femme, Akiko, accueille le visiteur avec une infinie gentillesse. Son fidèle mécanicien, Suzuki, qui l'accompagne depuis 14 ans, est aussi discret qu'efficace. Akira, que tout le monde surnomme " le professeur " (probablement à cause de sa paire de lunettes), est heureux d'être là, bien que souvent taquiné par ses collègues. Il faut dire qu'il l'a voulait cette place. Il a travaillé bénévolement un an pour faire ses preuves dans le team Sugawara, son rêve étant d'y devenir copilote-navigateur. Quant à Wakako, elle découvre la France pour la première fois, à l'instar d'une trentaine de ses compatriotes que Yoshimasa SUGAWARA a amené dans ses bagages au cours de ses séjours précédents. Et puis cette année, celui-ci a embauché un des organisateurs du Rallye de Mongolie, Bayarchuluun, de nationalité mongole qui apprécie visiblement ce dépaysement. La galerie ne serait pas complète sans le dévoué Miton, régional de l'étape, qui de prévenances en services divers assure l'intendance et les relations presse de toute l'équipe en France. Enfin, il ne faut pas oublier la petite secrétaire , Satoko ,qui garde la société au Japon pendant l'absence de l'équipe ainsi que deux autres employés Kyohei et Ahito.
 
UN AMOUR POUR LA FRANCE
L'amour de Yoshimasa SUGAWARA pour la France est visible. Et il ne date pas d'hier ! Dans les années 70 déjà, il venait aux 24 Heures du Mans. L'histoire du premier vol en 8 sur aéroplane, par les frères américains Wright au début du XXe siècle, n'a pas de secret pour lui. Il va faire son pèlerinage tout les ans sur le lieu de l'exploit, aux Hunaudières. Il en profite toujours pour (re)visiter le Musée automobile de la Sarthe, qu'il doit connaître dans les moindres recoins. Mais plus que tout, il aime ce pays pour ses habitants, leur simplicité, leur authenticité et… leur sens pratique.
 
UNE ENERGIE CONTAGIEUSE
C'est probablement cette convivialité qui donne à tous l'énergie de se lancer dans cette épreuve longue et difficile. D'autant plus que les budgets (400 000 euros) sont de plus en plus durs à négocier, bien que HINO soit fidèle depuis de nombreuses années. Le deuxième constructeur mondial de camions (du groupe TOYOTA) a un merveilleux ambassadeur en la personne de Yoshimasa SUGAWARA qui, à son retour au Japon, assure chaque année des conférences pour 2000 personnes environ, essentiellement des patrons de PME-PMI. Son récit du rallye leur permet de s'évader un instant, notamment lorsqu'en fin de présentation il les invite à partir jusqu'à Dakar au fond de son Hino Space Ranger. Ce monstre, au design aguichant, développe officiellement 260CV. Il est choyé, bichonné par son équipe. Ses performances, comme celles de ses congénères, font que la course se joue souvent sur des écarts minimes, qui n'ont aucune commune mesure avec celles des voitures ou des motos. Il a fallu 10 années à Japan Racing pour faire évoluer ce camion de course (d'une valeur de 1 millions d'euros) vers des vitesses impressionnantes (environ 170km/h), ce qui suppose une réelle maîtrise de la conduite et de la préparation. Chaque édition apporte son lot d'innovation. 2002 sera l'année de test pour un système de dépollution révolutionnaire mis au point par UNICAT. Quant à l'objectif final, il est, plus que jamais, de renouveler l'exploit du Grenade-Dakar 97 où le team Sugaawara, constitué de trois camions, était monté sur les trois plus hautes marches du podium.
 
UN AVENIR TOUT TRACE
Cette année, c'est avec un camion de compétition et deux véhicules d'assistance, un autre Hino Ranger et une Toyota, que le Japan Racing va défendre les couleurs d'Hino. Ce sera peut-être le dernier Dakar pour Yoshimasa SUGAWARA comme pilote. Pour les éditions suivantes, il ambitionne de laisser sa place à son fils Teruhito, qui en est déjà à sa cinquième participation. Et on peut imaginer combien seront précieux les conseils que pourra alors donner Yoshimasa pour perpétuer le nom de SUGAWARA sur la plus mythique des épreuves de rallye-raid.
 
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